Placebo - Post coitum, animal mélancolique
C'est l'armée de sex-symbols la plus improbable de l'histoire de la pop-music : Riri, Fifi et Loulou maquillés comme des mobs volées pour flirter avec Ziggy, Iggy et Pixies. Brian Molko, le chanteur de Placebo, qui a appris l'androgynie dans Le Petit Bowie illustré, est pourtant devenu l'une des stars masculines les plus sexuelles du rock, autrement plus dérangeant que le théâtreux Marilyn Manson ou le falsificateur Brett Anderson de Suede. Une androgynie qui le fait étrangement ressembler à l'adorable et gothique actrice Christina Ricci, star de la famille Addams : une ambiguïté que l'on qualifiera de réaction salutaire à l'hétéro-beauferie d'Oasis, au machisme crétin de Prodigy, à l'homophobie musclée d'une partie du rap.
Pourtant, pas moyen de croire la presse anglaise lorsqu'elle décrit Placebo comme un groupe malsain : pour qui a connu le Lou Reed des seventies, la barre du malsain est autrement plus haute que dans les ordinaires débauches adolescentes où Placebo se vautre depuis deux ans. Il suffit de rencontrer Brian Molko, son fidèle bassiste Stefan Olsdal et son nouveau batteur, le Mancunien Steve Hewitt, pour comprendre que cet hédonisme qui fait tant rêver les culs serrés n'est rien de plus que la liberté gagnée par trois rescapés des chambrettes, la victoire de trois adolescents reclus dans leur timidité, leur isolement.
De ces années à ronger son frein, la main dans la braguette, de cette sensation d'écrasement que seuls peuvent connaître les small town boys, Brian et Stefan ont grandi au Luxembourg. Placebo avait fait un premier album, condensé de frustrations, de rages et de misère sexuelle. Un cocktail Molotov à la recette aussi explosive que décryptable : un tiers de testostérone, un tiers d'adrénaline, un tiers de sperme. Un titre, Teenage Angst le bien nommé, en disait long sur l'envie d'en découdre de ce groupe cloué à ses starting-blocks depuis l'enfance.
Libéré de la famille, guéri du Luxembourg, Placebo allait connaître l'adolescence à Londres, à 20 ans, en cours de rattrapage sacrément accéléré. Dope, alcool, sexe effréné : Placebo marquera en direct, sous les projecteurs, ses points contre le temps perdu. Pour qui n'a toujours connu que les mises en boîte et le miroir de sa chambre, la popularité, cette chimère régulièrement rêvée, est une maîtresse gourmande et exclusive. Depuis son premier album, Placebo a donc vécu haut et vite. Mais le réservoir de testostérone a fini par se vider : à sec, Placebo ne peut désormais plus compter sur la frustration pour nourrir ses chansons.
Sur son second album, Without You I'm Nothing, Placebo a la gueule de bois, se réveille le corps endolori par les excès de la veille, la foi dans un sale état : pour qui espérait tant du triomphe, le réveil est brutal. "Sans toi je ne suis rien", avoue un groupe qui se rend compte qu'on est peut-être encore plus seul et plus sale trop entouré que solitaire. Et pourtant, le moral dans les chaussettes, Placebo relève la tête, prouve que cette écriture peut connaître d'autres muses que le simple appel des hormones.
De ce groupe alors inconnu, on disait à l'époque de ses premiers singles qu'il chercherait un jour des poux à U2. On ne pensait pas qu'il atteindrait cette ampleur dès son second album : depuis Radiohead, on n'avait pas connu de maturation aussi rapide et impressionnante que celle de Placebo. Mais ici, on n'est pas passé directement de l'adolescence à la retraite ¬ cette étrange maladie du rock, transmise par le confort. Même quand Placebo ose, pour la première fois, des ballades, la promenade n'est pas de santé : "Impossible d'exprimer certaines émotions si on ne s'attaque pas à quelques démons... Ça peut paraître très égoïste de racler comme ça en soi, mais derrière il y a un authentique désir de communiquer", prévient Brian Molko pour excuser cet album particulièrement personnel mais pourtant discuté en groupe. "En gang", plutôt, comme aime à le rappeler le chanteur : un gang chaleureux et accueillant, qui pose quelques questions essentielles : "A partir de quel angle considère-t-on qu'il y a érection ?"
Les Inrockuptibles : U2, qui chantait il y a quelques années With or without you, peut effectivement craindre Without you I'm nothing.
Brian Molko : Il y a un côté dépression postcoïtale dans notre second album. J'ai parfois l'impression d'y laver mes slips sales en public. Mais ce n'est pas gratuit : j'ai besoin de ça pour me soigner. J'ai toujours écrit des paroles très personnelles, mais là je me suis autorisé à être vulnérable, nu. Il fallait que je me fasse violence.
Es-tu passé d'un excès d'amour-propre à un dégoût pour toi-même ?
Je suis suffisamment extrême pour passer de cet amour de moi-même à la haine. Quand je me suis mis à écrire les paroles, ma vie professionnelle n'avait jamais été aussi florissante. Par contre, ma vie privée n'avait jamais été aussi catastrophique. Je me détestais pour en être arrivé là, pour avoir laissé mon cœur se briser en petits morceaux, pour avoir à ce point maltraité des gens chers... J'étais au plus bas avant que nous partions nous isoler à la campagne, où nous avons enregistré l'album. Avant même de commencer, nous savions que l'album allait s'appeler Without You I'm Nothing. Parce que ça résumait parfaitement notre état d'esprit, qui est passé en quelques semaines d'enregistrement du romantisme à la mélancolie. Dans toutes les chansons, les histoires d'amour finissent mal.
Une chanson comme Scared Of Girls, qui évoque la misogynie, était-elle devenue nécessaire pour toi ?
C'est une enquête, pour y voir plus clair sur le problème de promiscuité que peut ressentir un homme hétérosexuel. Je voulais savoir si les hommes qui se comportent comme des putes le font parce qu'ils aiment les femmes ou, au contraire, parce qu'ils les haïssent, en ont peur.
C'est une question qui te taraudait personnellement ?
Ma vie, à cette époque, était très mouvementée. Je m'en suis sorti sans grand respect pour moi-même. J'avais fini par me considérer comme un objet.
T'ennuies-tu vite dans une relation ?
Je m'ennuie très vite de tout. Du coup, je ne sais plus quoi faire quand j'ai un jour de repos. C'est pour ça que nous jouons autant, que nous écrivons aussi régulièrement, qu'il y a une telle soif d'expériences : pour ne pas sombrer dans l'ennui, dans la routine. Je suis un véritable obsédé du travail. Partir en tournée mondiale pour rencontrer la presse devient un véritable crève-cœur : jouer me manque. Je comprends que des groupes finissent par se taire ou, pour s'en sortir, par se séparer.
Considérerais-tu une vie privée comme un poids qui te freinerait ?
La musique est aussi importante pour moi que manger ou respirer. Le sacrifice de ma vie privée n'est donc même pas un choix conscient. C'est un investissement pour le futur : je sais que je suis plus énergique aujourd'hui que je ne le serai dans dix ans, alors autant en profiter maintenant que nous sommes productifs. Mais je ne crois pas que ce soit cynique d'être aussi ambitieux. Je voudrais, à 30 ans, être capable de me relaxer. C'est un conseil que nous a donné Bowie : ne jamais perdre notre spontanéité, ne jamais se reposer sur nos lauriers. Il a vu suffisamment de pièges pour qu'on le croie sur parole : il en a d'ailleurs inventé la plupart.
Vous avez récemment été décrit comme "le groupe le plus crade d'Angleterre".
Ce n'est pas un sujet de fierté. Nous nous sommes fait piéger par ce journal. Cette interview, c'est la confirmation de l'attitude sensationnaliste, du côté tabloïd de la presse musicale anglaise. Nos soi-disant tendances hédonistes ont été exagérées. A l'arrivée, on a l'impression que nous sommes pires que Led Zeppelin. Mais je sais pourquoi la presse anglaise s'amuse ainsi : elle sait qu'elle ne peut plus rien contre nos ventes de disques. Ils détestent ne plus avoir de prise sur la carrière d'un groupe. Nous sommes devenus un faisan et la chasse est ouverte, chaque dimanche matin. On nous transforme en personnages de bande dessinée, superficiels et creux... Pourtant, nous n'en avons pas fait plus que n'importe quel mec de 20 ans : nous éclater jusqu'à ce que ce besoin s'éteigne. Notre problème, c'est que nous l'avons fait en public et que nous en avons parlé sans pudeur. Et ça a rendu ces journalistes jaloux. Ils sont les premières victimes de cette attitude puritaine anglaise vis-à-vis du plaisir, de cette interdiction de s'amuser. Ça les fascine et, en même temps, ils pensent que c'est réservé aux branleurs. Quand je les rencontre, j'ai l'impression que la moitié des journalistes rock anglais ne baisent jamais. C'est pour ça qu'ils ont réagi aussi bizarrement à mes chansons.
As-tu été surpris par la relation étonnante de l'Angleterre avec la sexualité ?
Il y a, sans conteste, des blocages puritains. Ce qui explique pourquoi tout le monde s'est braqué sur le côté hédoniste de Placebo. "Ils adorent le cul et ils ont peur du cul" (en français)...
Steve Hewitt (batterie) : La semaine dernière, une chaîne française de porno a tenté de diffuser ses programmes sur un satellite anglais : elle a été immédiatement censurée. La loi interdit de montrer un pénis en érection, il faut en mesurer l'angle pour savoir si la photo est publiable ou non.
Brian : L'Angleterre veut retirer à son peuple le droit de choisir. Elle a conservé cette attitude de vieux maître d'école : "Je sais mieux que vous, sales mioches. Pas de branlette, pas de rigolade, pas de rock-stars." La première fois que je suis allé en Angleterre, ça m'a choqué. Je vivais alors au Luxembourg, entouré de gens venus de toute l'Europe. J'avais donc l'habitude que les gens ouvrent leur gueule. Alors qu'à Londres l'honnêteté ne faisait que m'attirer des ennuis.
Y a-t-il un tel écart entre votre image publique et votre vie privée ?
Stefan Oldsdal (basse) : Quelle vie privée ? Placebo est tout ce qu'il y a dans notre vie. Moi, j'ai de plus en plus de mal à me considérer comme une personne existant hors de Placebo. Revoir des amis, atterrir, ça m'est de plus en plus difficile. Je ne suis plus celui que j'étais.
Brian : J'ai traversé quelques graves crises d'identité, j'avais l'impression d'avoir perdu tout ce que je possédais. J'arbitrais des conversations entre celui que je suis et celui que je voyais dans les journaux, car je ne me reconnaissais plus du tout dans cette image publique.
Avez-vous joué un rôle ? Vous a-t-on poussés dans cette voie ?
Brian : Ce personnage flamboyant et grande gueule, c'est moi avec un coup dans le nez. Et j'ai passé une grande majorité de l'année écoulée complètement ivre. Parce que j'étais seul, parce que j'étais triste, parce que j'étais incapable de maîtriser ce qui arrivait au groupe, parce que j'étais dépassé par l'énormité de ce que nous vivions, parce que c'était le seul moyen que j'avais trouvé pour faire dégringoler le taux d'adrénaline après un concert, parce que nous avons été invités aux meilleures soirées du monde... Mon problème, c'est que pour un type bâti comme moi, j'ai une bien trop grande gueule (rires)... Je me suis souvent donné en spectacle, au mauvais moment et au mauvais endroit. Je n'en tire aucune fierté... Heureusement, cette agressivité ne s'est jamais retournée contre le groupe. Ils sont mes meilleurs amis, nous nous protégeons les uns les autres. Car je n'ai pas le temps de prendre du recul, c'est une cascade d'expériences qui se suivent... Stefan et moi n'avions encore jamais joué dans un groupe, nous avons tout appris en direct. Pas moyen de faire des ajustements quand on est ainsi lancés à fond, surtout quand l'hédonisme est à la base même de ce milieu... Il m'a fallu deux ans pour reprendre le pouvoir, pour comprendre qu'il était plus important pour moi d'écrire des chansons que d'être à la bonne soirée avec les bonnes personnes dans le bon état d'esprit... Dans le mauvais état, plutôt... Heureusement, Placebo est une famille, un gang. C'est ce qui manquait le plus dans la précédente formation de Placebo : pour se sentir protégé du monde extérieur, il faut déjà être en sécurité à l'intérieur du groupe, ne pas avoir à lutter pour ça. Sinon, chacun prend son chemin, jusqu'à se perdre de vue. Cette fois-ci, nous marchons ensemble, les idées claires, avec une mentalité de gang.
Steve : C'est vraiment une famille. Moi, je suis le papa. Stefan, c'est la maman et Brian, c'est notre bébé (rires)...
Brian : Steve est un gars du Nord, de Manchester, il ne faut pas lui en conter. C'est lui qui détient les clés de la réalité dans Placebo, qui me ramène sur terre. Le pire, pour moi, serait d'être entouré de yes-men, qui accepteraient tout sans broncher. Mais lui et Stefan me giflent quand c'est nécessaire.
Tu parlais d'une impression de gang : Placebo est-elle ta première expérience collective ?
Brian : J'ai toujours été un solitaire. C'est notre cas à tous les trois, nous avons passé l'adolescence enfermés dans nos chambres, à jouer de la musique. Et comme beaucoup de garçons de cet âge-là, je rêvais de devenir une star. Une ville comme Luxembourg peut être étouffante quand on cherche à se créer une identité. Je ne pouvais pas y être moi-même. Je m'y sentais isolé, loin des endroits où je voulais être. Il n'y avait aucun endroit où j'aurais pu m'exprimer, trouver un écho. De cette mise à l'écart, j'ai tiré des chansons, Teenage Angst ou Burger Queen, car ça m'a fatalement transformé en voyeur. Ce qui n'est pas la position la plus enviable pour observer le monde. Ça me fait souvent bizarre d'être passé en si peu d'années de la périphérie de la vie au centre d'attention.
Considérez-vous votre succès actuel comme une revanche ?
Brian : C'est ma façon de rétorquer "Je vous l'avais bien dit." C'est pour ça que la frustration tenait une place aussi importante sur le premier album : il a été écrit dans un taudis, dans la banlieue londonienne de Dartford. Je me sentais coincé dans cet endroit atroce, au chômage, sans issue... Sans le groupe, je ne me serais jamais levé le matin. Je devenais léthargique, sortir de mon appartement demandait un effort, c'était trop déprimant.
Ce premier album est-il, pour ces raisons, difficile à écouter pour toi ?
Brian : Je ne peux pas l'écouter. Nous y paraissons si jeunes... Sur le nouvel album, la frustration s'est transformée en mélancolie. Il y a un côté désespéré, la frustration n'est plus là que sur deux ou trois chansons punky, ce qui les rend plus puissantes, plus féroces. C'est un disque d'une grande tristesse... L'impression d'avoir été brûlé, blessé quelquefois encore. Les paroles se sont pourtant écrites de façon naturelle, sans effort. Car cette fois-ci j'ai été discipliné, c'est la première fois de ma vie que ça arrive.
Considères-tu le fait d'écrire des paroles pour communiquer comme un échec de communication ?
Brian : Il y a effectivement des choses que je ne pourrais pas dire dans la vie de tous les jours. Parce qu'il est plus facile de s'en tirer sous couvert d'art. Ça crée une distance. Il est impossible d'exprimer certaines émotions sans s'attaquer à quelques démons... Ça peut paraître très égoïste, de racler comme ça en soi, mais derrière il y a un authentique désir de communiquer. Ça m'aide, ça purge mon corps d'idées noires et lourdes à porter.
On est habitués à des songwriters despotiques. Comment travaille Placebo ?
Stefan : Il m'arrive de rentrer à la maison avec quelques frustrations (les autres le regardent avec des yeux ahuris)... Non, c'est vrai. C'est frustrant de voir que systématiquement tout le crédit est accordé à Brian, alors que je sais ce que nous avons tous apporté aux chansons. J'ai beau savoir que Brian ne tire jamais la couverture à lui, il faut vivre avec cette injustice.
Brian : Tu penses que ton intégrité musicale est remise en cause ?
Stefan : Non, je ne reproche rien au groupe, nous travaillons en parfaite démocratie. Personne n'a vraiment de rôle arrêté, chacun conseille les autres, intervient.
Brian : Par exemple, les chansons les plus dures sont écrites en tournée, pendant les balances. Il y a tellement de temps morts que nous profitons d'avoir une grosse sono à notre disposition pour nous amuser. Sinon, on guette les petits accidents en répétition : le genre d'étincelle spontanée qui peut illuminer une nouvelle chanson. Maintenant que nous utilisons plus de technologie, une simple idée de boucle peut servir de détonateur. Comme nous n'avons pas la moindre idée de ce que doit être une chanson de Placebo, nous ne nous interdisons rien. Tout ce que nous tentons est immédiatement digéré par Placebo, devient du Placebo. Mais nous demeurons exigeants. Jusqu'à parfois devenir chochottes. Car si nous écrivons de façon spontanée, ensuite nous avons tendance à prêter beaucoup trop d'attention à des détails. Surtout que là, avec ce second album, nous devions faire nos preuves.
Vous avez passé quelques mois à la campagne pour l'enregistrement de cet album : aviez-vous besoin de fuir les tentations urbaines ?
Brian : C'était devenu nécessaire. Là-bas, nous avons presque vécu comme des bonnes sœurs. Il fallait se concentrer sur le disque, nettoyer nos têtes. On se promenait au bord de l'eau, on donnait à manger aux canards, on buvait de bons vins... La table de mixage ressemblait au poste de pilotage du Starship Entreprise. On passait au moins douze heures par jour à y travailler, sans écouter un seul disque. J'ai fait de gros progrès au Super Mario (le jeu vidéo). La baie vitrée du studio donnait sur un grand lac, il n'y avait pas la moindre voiture, les gens s'occupaient de nous, cuisinaient pour nous, nous choyaient.
Ça ressemble à une maison de retraite.
Brian : (Rires)... C'était un peu ça. Sauf que la nuit, nous n'arrivions pas à fermer l'œil : impossible de déconnecter le cerveau, qui continuait à réfléchir aux chansons. Mais à la fin, nous avons décidé de mixer le disque à Londres, pour lui insuffler plus d'énergie, de tranchant. J'avais besoin de la pollution, de l'agressivité, de la vase urbaine. Dès que la nuit tombait sur la campagne, je me sentais si seul...
L'album s'en ressent : il est beaucoup plus relâché. On pense souvent au Radiohead de The Bends, à la fois fiévreux et paisible.
Brian : Les cheminements sont identiques : après un premier album au succès énorme, Radiohead a décidé de n'écouter personne et de n'en faire qu'à sa tête. Radiohead a donné l'autorisation à beaucoup de groupes de jouer des chansons sérieuses et déprimées sans être montrés du doigt. Exactement ce qu'avait réussi Nirvana en permettant à toute une génération de jouer ouvertement du rock.
Sur un de vos récents singles, on trouvait cette curieuse chanson en français, Mars Landing Party, avec ces paroles : "Embrasse-moi, mets ton doigt dans mon cul." Ça va pas, non ?
Brian : Nous étions d'humeur particulièrement joyeuse quand nous l'avons enregistrée, au hasard d'une répétition. "C'est juste une bonne blague de cul" (en français)... C'était une façon de mélanger Girl from Ipanema et Je t'aime moi non plus. On les a envoyées ensemble dans l'espace et c'est devenu une histoire porno.
Jean-Daniel Beauvallet, Les Inrockuptibles n°169, 14 octobre 1998.
Pourtant, pas moyen de croire la presse anglaise lorsqu'elle décrit Placebo comme un groupe malsain : pour qui a connu le Lou Reed des seventies, la barre du malsain est autrement plus haute que dans les ordinaires débauches adolescentes où Placebo se vautre depuis deux ans. Il suffit de rencontrer Brian Molko, son fidèle bassiste Stefan Olsdal et son nouveau batteur, le Mancunien Steve Hewitt, pour comprendre que cet hédonisme qui fait tant rêver les culs serrés n'est rien de plus que la liberté gagnée par trois rescapés des chambrettes, la victoire de trois adolescents reclus dans leur timidité, leur isolement.
De ces années à ronger son frein, la main dans la braguette, de cette sensation d'écrasement que seuls peuvent connaître les small town boys, Brian et Stefan ont grandi au Luxembourg. Placebo avait fait un premier album, condensé de frustrations, de rages et de misère sexuelle. Un cocktail Molotov à la recette aussi explosive que décryptable : un tiers de testostérone, un tiers d'adrénaline, un tiers de sperme. Un titre, Teenage Angst le bien nommé, en disait long sur l'envie d'en découdre de ce groupe cloué à ses starting-blocks depuis l'enfance.
Libéré de la famille, guéri du Luxembourg, Placebo allait connaître l'adolescence à Londres, à 20 ans, en cours de rattrapage sacrément accéléré. Dope, alcool, sexe effréné : Placebo marquera en direct, sous les projecteurs, ses points contre le temps perdu. Pour qui n'a toujours connu que les mises en boîte et le miroir de sa chambre, la popularité, cette chimère régulièrement rêvée, est une maîtresse gourmande et exclusive. Depuis son premier album, Placebo a donc vécu haut et vite. Mais le réservoir de testostérone a fini par se vider : à sec, Placebo ne peut désormais plus compter sur la frustration pour nourrir ses chansons.
Sur son second album, Without You I'm Nothing, Placebo a la gueule de bois, se réveille le corps endolori par les excès de la veille, la foi dans un sale état : pour qui espérait tant du triomphe, le réveil est brutal. "Sans toi je ne suis rien", avoue un groupe qui se rend compte qu'on est peut-être encore plus seul et plus sale trop entouré que solitaire. Et pourtant, le moral dans les chaussettes, Placebo relève la tête, prouve que cette écriture peut connaître d'autres muses que le simple appel des hormones.
De ce groupe alors inconnu, on disait à l'époque de ses premiers singles qu'il chercherait un jour des poux à U2. On ne pensait pas qu'il atteindrait cette ampleur dès son second album : depuis Radiohead, on n'avait pas connu de maturation aussi rapide et impressionnante que celle de Placebo. Mais ici, on n'est pas passé directement de l'adolescence à la retraite ¬ cette étrange maladie du rock, transmise par le confort. Même quand Placebo ose, pour la première fois, des ballades, la promenade n'est pas de santé : "Impossible d'exprimer certaines émotions si on ne s'attaque pas à quelques démons... Ça peut paraître très égoïste de racler comme ça en soi, mais derrière il y a un authentique désir de communiquer", prévient Brian Molko pour excuser cet album particulièrement personnel mais pourtant discuté en groupe. "En gang", plutôt, comme aime à le rappeler le chanteur : un gang chaleureux et accueillant, qui pose quelques questions essentielles : "A partir de quel angle considère-t-on qu'il y a érection ?"
Les Inrockuptibles : U2, qui chantait il y a quelques années With or without you, peut effectivement craindre Without you I'm nothing.
Brian Molko : Il y a un côté dépression postcoïtale dans notre second album. J'ai parfois l'impression d'y laver mes slips sales en public. Mais ce n'est pas gratuit : j'ai besoin de ça pour me soigner. J'ai toujours écrit des paroles très personnelles, mais là je me suis autorisé à être vulnérable, nu. Il fallait que je me fasse violence.
Es-tu passé d'un excès d'amour-propre à un dégoût pour toi-même ?
Je suis suffisamment extrême pour passer de cet amour de moi-même à la haine. Quand je me suis mis à écrire les paroles, ma vie professionnelle n'avait jamais été aussi florissante. Par contre, ma vie privée n'avait jamais été aussi catastrophique. Je me détestais pour en être arrivé là, pour avoir laissé mon cœur se briser en petits morceaux, pour avoir à ce point maltraité des gens chers... J'étais au plus bas avant que nous partions nous isoler à la campagne, où nous avons enregistré l'album. Avant même de commencer, nous savions que l'album allait s'appeler Without You I'm Nothing. Parce que ça résumait parfaitement notre état d'esprit, qui est passé en quelques semaines d'enregistrement du romantisme à la mélancolie. Dans toutes les chansons, les histoires d'amour finissent mal.
Une chanson comme Scared Of Girls, qui évoque la misogynie, était-elle devenue nécessaire pour toi ?
C'est une enquête, pour y voir plus clair sur le problème de promiscuité que peut ressentir un homme hétérosexuel. Je voulais savoir si les hommes qui se comportent comme des putes le font parce qu'ils aiment les femmes ou, au contraire, parce qu'ils les haïssent, en ont peur.
C'est une question qui te taraudait personnellement ?
Ma vie, à cette époque, était très mouvementée. Je m'en suis sorti sans grand respect pour moi-même. J'avais fini par me considérer comme un objet.
T'ennuies-tu vite dans une relation ?
Je m'ennuie très vite de tout. Du coup, je ne sais plus quoi faire quand j'ai un jour de repos. C'est pour ça que nous jouons autant, que nous écrivons aussi régulièrement, qu'il y a une telle soif d'expériences : pour ne pas sombrer dans l'ennui, dans la routine. Je suis un véritable obsédé du travail. Partir en tournée mondiale pour rencontrer la presse devient un véritable crève-cœur : jouer me manque. Je comprends que des groupes finissent par se taire ou, pour s'en sortir, par se séparer.
Considérerais-tu une vie privée comme un poids qui te freinerait ?
La musique est aussi importante pour moi que manger ou respirer. Le sacrifice de ma vie privée n'est donc même pas un choix conscient. C'est un investissement pour le futur : je sais que je suis plus énergique aujourd'hui que je ne le serai dans dix ans, alors autant en profiter maintenant que nous sommes productifs. Mais je ne crois pas que ce soit cynique d'être aussi ambitieux. Je voudrais, à 30 ans, être capable de me relaxer. C'est un conseil que nous a donné Bowie : ne jamais perdre notre spontanéité, ne jamais se reposer sur nos lauriers. Il a vu suffisamment de pièges pour qu'on le croie sur parole : il en a d'ailleurs inventé la plupart.
Vous avez récemment été décrit comme "le groupe le plus crade d'Angleterre".
Ce n'est pas un sujet de fierté. Nous nous sommes fait piéger par ce journal. Cette interview, c'est la confirmation de l'attitude sensationnaliste, du côté tabloïd de la presse musicale anglaise. Nos soi-disant tendances hédonistes ont été exagérées. A l'arrivée, on a l'impression que nous sommes pires que Led Zeppelin. Mais je sais pourquoi la presse anglaise s'amuse ainsi : elle sait qu'elle ne peut plus rien contre nos ventes de disques. Ils détestent ne plus avoir de prise sur la carrière d'un groupe. Nous sommes devenus un faisan et la chasse est ouverte, chaque dimanche matin. On nous transforme en personnages de bande dessinée, superficiels et creux... Pourtant, nous n'en avons pas fait plus que n'importe quel mec de 20 ans : nous éclater jusqu'à ce que ce besoin s'éteigne. Notre problème, c'est que nous l'avons fait en public et que nous en avons parlé sans pudeur. Et ça a rendu ces journalistes jaloux. Ils sont les premières victimes de cette attitude puritaine anglaise vis-à-vis du plaisir, de cette interdiction de s'amuser. Ça les fascine et, en même temps, ils pensent que c'est réservé aux branleurs. Quand je les rencontre, j'ai l'impression que la moitié des journalistes rock anglais ne baisent jamais. C'est pour ça qu'ils ont réagi aussi bizarrement à mes chansons.
As-tu été surpris par la relation étonnante de l'Angleterre avec la sexualité ?
Il y a, sans conteste, des blocages puritains. Ce qui explique pourquoi tout le monde s'est braqué sur le côté hédoniste de Placebo. "Ils adorent le cul et ils ont peur du cul" (en français)...
Steve Hewitt (batterie) : La semaine dernière, une chaîne française de porno a tenté de diffuser ses programmes sur un satellite anglais : elle a été immédiatement censurée. La loi interdit de montrer un pénis en érection, il faut en mesurer l'angle pour savoir si la photo est publiable ou non.
Brian : L'Angleterre veut retirer à son peuple le droit de choisir. Elle a conservé cette attitude de vieux maître d'école : "Je sais mieux que vous, sales mioches. Pas de branlette, pas de rigolade, pas de rock-stars." La première fois que je suis allé en Angleterre, ça m'a choqué. Je vivais alors au Luxembourg, entouré de gens venus de toute l'Europe. J'avais donc l'habitude que les gens ouvrent leur gueule. Alors qu'à Londres l'honnêteté ne faisait que m'attirer des ennuis.
Y a-t-il un tel écart entre votre image publique et votre vie privée ?
Stefan Oldsdal (basse) : Quelle vie privée ? Placebo est tout ce qu'il y a dans notre vie. Moi, j'ai de plus en plus de mal à me considérer comme une personne existant hors de Placebo. Revoir des amis, atterrir, ça m'est de plus en plus difficile. Je ne suis plus celui que j'étais.
Brian : J'ai traversé quelques graves crises d'identité, j'avais l'impression d'avoir perdu tout ce que je possédais. J'arbitrais des conversations entre celui que je suis et celui que je voyais dans les journaux, car je ne me reconnaissais plus du tout dans cette image publique.
Avez-vous joué un rôle ? Vous a-t-on poussés dans cette voie ?
Brian : Ce personnage flamboyant et grande gueule, c'est moi avec un coup dans le nez. Et j'ai passé une grande majorité de l'année écoulée complètement ivre. Parce que j'étais seul, parce que j'étais triste, parce que j'étais incapable de maîtriser ce qui arrivait au groupe, parce que j'étais dépassé par l'énormité de ce que nous vivions, parce que c'était le seul moyen que j'avais trouvé pour faire dégringoler le taux d'adrénaline après un concert, parce que nous avons été invités aux meilleures soirées du monde... Mon problème, c'est que pour un type bâti comme moi, j'ai une bien trop grande gueule (rires)... Je me suis souvent donné en spectacle, au mauvais moment et au mauvais endroit. Je n'en tire aucune fierté... Heureusement, cette agressivité ne s'est jamais retournée contre le groupe. Ils sont mes meilleurs amis, nous nous protégeons les uns les autres. Car je n'ai pas le temps de prendre du recul, c'est une cascade d'expériences qui se suivent... Stefan et moi n'avions encore jamais joué dans un groupe, nous avons tout appris en direct. Pas moyen de faire des ajustements quand on est ainsi lancés à fond, surtout quand l'hédonisme est à la base même de ce milieu... Il m'a fallu deux ans pour reprendre le pouvoir, pour comprendre qu'il était plus important pour moi d'écrire des chansons que d'être à la bonne soirée avec les bonnes personnes dans le bon état d'esprit... Dans le mauvais état, plutôt... Heureusement, Placebo est une famille, un gang. C'est ce qui manquait le plus dans la précédente formation de Placebo : pour se sentir protégé du monde extérieur, il faut déjà être en sécurité à l'intérieur du groupe, ne pas avoir à lutter pour ça. Sinon, chacun prend son chemin, jusqu'à se perdre de vue. Cette fois-ci, nous marchons ensemble, les idées claires, avec une mentalité de gang.
Steve : C'est vraiment une famille. Moi, je suis le papa. Stefan, c'est la maman et Brian, c'est notre bébé (rires)...
Brian : Steve est un gars du Nord, de Manchester, il ne faut pas lui en conter. C'est lui qui détient les clés de la réalité dans Placebo, qui me ramène sur terre. Le pire, pour moi, serait d'être entouré de yes-men, qui accepteraient tout sans broncher. Mais lui et Stefan me giflent quand c'est nécessaire.
Tu parlais d'une impression de gang : Placebo est-elle ta première expérience collective ?
Brian : J'ai toujours été un solitaire. C'est notre cas à tous les trois, nous avons passé l'adolescence enfermés dans nos chambres, à jouer de la musique. Et comme beaucoup de garçons de cet âge-là, je rêvais de devenir une star. Une ville comme Luxembourg peut être étouffante quand on cherche à se créer une identité. Je ne pouvais pas y être moi-même. Je m'y sentais isolé, loin des endroits où je voulais être. Il n'y avait aucun endroit où j'aurais pu m'exprimer, trouver un écho. De cette mise à l'écart, j'ai tiré des chansons, Teenage Angst ou Burger Queen, car ça m'a fatalement transformé en voyeur. Ce qui n'est pas la position la plus enviable pour observer le monde. Ça me fait souvent bizarre d'être passé en si peu d'années de la périphérie de la vie au centre d'attention.
Considérez-vous votre succès actuel comme une revanche ?
Brian : C'est ma façon de rétorquer "Je vous l'avais bien dit." C'est pour ça que la frustration tenait une place aussi importante sur le premier album : il a été écrit dans un taudis, dans la banlieue londonienne de Dartford. Je me sentais coincé dans cet endroit atroce, au chômage, sans issue... Sans le groupe, je ne me serais jamais levé le matin. Je devenais léthargique, sortir de mon appartement demandait un effort, c'était trop déprimant.
Ce premier album est-il, pour ces raisons, difficile à écouter pour toi ?
Brian : Je ne peux pas l'écouter. Nous y paraissons si jeunes... Sur le nouvel album, la frustration s'est transformée en mélancolie. Il y a un côté désespéré, la frustration n'est plus là que sur deux ou trois chansons punky, ce qui les rend plus puissantes, plus féroces. C'est un disque d'une grande tristesse... L'impression d'avoir été brûlé, blessé quelquefois encore. Les paroles se sont pourtant écrites de façon naturelle, sans effort. Car cette fois-ci j'ai été discipliné, c'est la première fois de ma vie que ça arrive.
Considères-tu le fait d'écrire des paroles pour communiquer comme un échec de communication ?
Brian : Il y a effectivement des choses que je ne pourrais pas dire dans la vie de tous les jours. Parce qu'il est plus facile de s'en tirer sous couvert d'art. Ça crée une distance. Il est impossible d'exprimer certaines émotions sans s'attaquer à quelques démons... Ça peut paraître très égoïste, de racler comme ça en soi, mais derrière il y a un authentique désir de communiquer. Ça m'aide, ça purge mon corps d'idées noires et lourdes à porter.
On est habitués à des songwriters despotiques. Comment travaille Placebo ?
Stefan : Il m'arrive de rentrer à la maison avec quelques frustrations (les autres le regardent avec des yeux ahuris)... Non, c'est vrai. C'est frustrant de voir que systématiquement tout le crédit est accordé à Brian, alors que je sais ce que nous avons tous apporté aux chansons. J'ai beau savoir que Brian ne tire jamais la couverture à lui, il faut vivre avec cette injustice.
Brian : Tu penses que ton intégrité musicale est remise en cause ?
Stefan : Non, je ne reproche rien au groupe, nous travaillons en parfaite démocratie. Personne n'a vraiment de rôle arrêté, chacun conseille les autres, intervient.
Brian : Par exemple, les chansons les plus dures sont écrites en tournée, pendant les balances. Il y a tellement de temps morts que nous profitons d'avoir une grosse sono à notre disposition pour nous amuser. Sinon, on guette les petits accidents en répétition : le genre d'étincelle spontanée qui peut illuminer une nouvelle chanson. Maintenant que nous utilisons plus de technologie, une simple idée de boucle peut servir de détonateur. Comme nous n'avons pas la moindre idée de ce que doit être une chanson de Placebo, nous ne nous interdisons rien. Tout ce que nous tentons est immédiatement digéré par Placebo, devient du Placebo. Mais nous demeurons exigeants. Jusqu'à parfois devenir chochottes. Car si nous écrivons de façon spontanée, ensuite nous avons tendance à prêter beaucoup trop d'attention à des détails. Surtout que là, avec ce second album, nous devions faire nos preuves.
Vous avez passé quelques mois à la campagne pour l'enregistrement de cet album : aviez-vous besoin de fuir les tentations urbaines ?
Brian : C'était devenu nécessaire. Là-bas, nous avons presque vécu comme des bonnes sœurs. Il fallait se concentrer sur le disque, nettoyer nos têtes. On se promenait au bord de l'eau, on donnait à manger aux canards, on buvait de bons vins... La table de mixage ressemblait au poste de pilotage du Starship Entreprise. On passait au moins douze heures par jour à y travailler, sans écouter un seul disque. J'ai fait de gros progrès au Super Mario (le jeu vidéo). La baie vitrée du studio donnait sur un grand lac, il n'y avait pas la moindre voiture, les gens s'occupaient de nous, cuisinaient pour nous, nous choyaient.
Ça ressemble à une maison de retraite.
Brian : (Rires)... C'était un peu ça. Sauf que la nuit, nous n'arrivions pas à fermer l'œil : impossible de déconnecter le cerveau, qui continuait à réfléchir aux chansons. Mais à la fin, nous avons décidé de mixer le disque à Londres, pour lui insuffler plus d'énergie, de tranchant. J'avais besoin de la pollution, de l'agressivité, de la vase urbaine. Dès que la nuit tombait sur la campagne, je me sentais si seul...
L'album s'en ressent : il est beaucoup plus relâché. On pense souvent au Radiohead de The Bends, à la fois fiévreux et paisible.
Brian : Les cheminements sont identiques : après un premier album au succès énorme, Radiohead a décidé de n'écouter personne et de n'en faire qu'à sa tête. Radiohead a donné l'autorisation à beaucoup de groupes de jouer des chansons sérieuses et déprimées sans être montrés du doigt. Exactement ce qu'avait réussi Nirvana en permettant à toute une génération de jouer ouvertement du rock.
Sur un de vos récents singles, on trouvait cette curieuse chanson en français, Mars Landing Party, avec ces paroles : "Embrasse-moi, mets ton doigt dans mon cul." Ça va pas, non ?
Brian : Nous étions d'humeur particulièrement joyeuse quand nous l'avons enregistrée, au hasard d'une répétition. "C'est juste une bonne blague de cul" (en français)... C'était une façon de mélanger Girl from Ipanema et Je t'aime moi non plus. On les a envoyées ensemble dans l'espace et c'est devenu une histoire porno.
Jean-Daniel Beauvallet, Les Inrockuptibles n°169, 14 octobre 1998.