Les Inrockuptibles (nov 2004)
En 1996, Placebo, machine effrontément sexuelle délivrant du rock à haute tension, avait enflammé les oreilles et les cœurs. A son gouvernail, l’androgyne et charismatique Brian Molko s’était rapidement fait le fantasme de tous les garçons et les filles de son age. Huit ans et quatre albums plus tard, le groupe, devenu simplement énorme, sort une compilation, Once more with feeling. L’occasion de se replonger dans ses excellents singles crâneurs, de (se ré) jouir de l’éternelle jeunesse de ses guitares, et de partager tout ça avec son petit neveu - celui qui cet été en vacances a écouter The bitter end soixante fois en une semaine. A quelques jours du grand couronnement du groupe sur la scène de Wembley Arena, rencontre a Londres avec Brian Molko, chanteur généreux sagace et de charme.
• Pourquoi avoir décidé de sortir une compilation maintenant ?
Il n’y a pas de grand mystère, après presque dix ans de carière c’est ce que font les groupes qui sont encore là. Beaucoup de collègues qui ont commencé en meme temps que nous n’existent plus aujourd’hui. Les gens cherchent un véritable sens à cette compilation, mais il n’y en a pas. Ce n’est pas une question de contrat, parce que ça ne compte pas comme un album pour la maison de disque. Ce n’est pas une question d’idées parce qu’on a déjà écrit le nouvel album. Il s’agissait peut être simplement de nous donner un petit peu de temps pour faire autre chose. Cela faisait deux ans que nous sommes en tournée et nous avons besoin de faire une pause, de nous distancer un peu des choses.
• Qu’en est-il des deux nouveaux morceaux (Twenty years et I do) ?
Nous avons mis deux inédit sur la compilation pour satisfaire l’appétit vorace de nos fans. Nous avons essayé de nous imposer des règles à la Brian Eno. Les morceaux ne devaient pas faire plus de deux minutes trente et il ne devait pas avoir de guitares. D’abord, parce que nous ne l’avions jamais fait. Aussi, parce que les gens pensent que Placebo est un groupe de guitares et que nous n’aimons pas cette étiquettes. Avec le recul, je pense que twenty years est peut être un de nos plus grands morceaux. C’est notre titre le plus proche de With or without you de U2, la chanson ultime.
• Ces deux dernières années ont été très remplies. Comment vous sentez vous aujourd’hui ?
Crevés. Complètement crevés. Avec le succès du dernier album, nous n’avons pas arrêté de tourner. Nous avons vendus plus de 700 000 albums en France. C’est génial, mais on n’a pas encore battu Indochine, mon but n’a donc pas été atteint (rires). Ce sera pour le prochain album. C’est comme les Beatles et les Stones en France, moi et Nicolas, nous nous appelons pour nous assurer qu’on ne sort rien le même jour.
• Pourquoi n’avoir choisi que des singles pour cette compilation ?
Ce n’est pas une greatest hit, ce n’est pas un best-of, c’est une sorte de document historique, une rétrospective chronologique du groupe, à travers ses morceaux les plus accessibles. Choisir des singles, c’était une façon de présenter le répertoire ancien. Nous sommes conscients qu’il y a 40% des fans aujourd’hui qui sont arrivés au groupe a travers Sleeping with ghosts et plus particulièrement avec The bitter end. Nous le voyons a travers nos concert, ils ont 14-15ans…A l’époque du premier album ils regardaient encore la télé. Les ados n’ont pas beaucoup d’argents e s’ils ont envie d’écouter davantage placebo, ils peuvent pas forcement aller acheter les quatre albums.
• Comment gérez-vous cette nouvelle arrivée de jeunes fans ?
Il y aura toujours des gens pour critiquer le coté « jeune » du public…mais sincèrement, ça chauffe le cœur. Cela signifie que tu as encore une connexion avec la culture jeune, c’est important. D’une certaine manière, cela veut dire que tu es encore vital. Qu’il n’est pas l’heure d’arrêter, que tu as encore une âme fraiche. Malgres toutes ses belles choses que le succès nous a apportées, cela montre qu’on ne vit pas dans une tour d’ivoire, qu’on n’est pas devenus des vilaines rock stars isolée de tout .
• Lors des dix dernières années, avez-vous eu envie d’arrêter à un moment ?
Non jamais. Avant Placebo, j’ai passé deux ans et demi au chômage. Je sais ce que c’est de ne pas avoir de fric, pas d’amis, de se faire cracher dessus. Je n’ai pas du tout envi de retourner a ça, a cette solitude qui a formé le 1er album. Et puis je suis conscient qu’on est dans une situation incroyable. On est bénis : on s’expriment et les gens écoutent. C’est une position très enviable. Nous avions un rêve et nous continuons à le recréer d’une façon quotidienne. Nous avons énormément de chance, il faut toujours s’en souvenir. On n’a pas le droit de se plaindre.
• Mais, avec se succès toujours croissant, est –ce qu’il n’est pas tout de même de plus en plus difficile d’être enjoué ?
Non, pasque la célébrité est quelque chose de complètement ephémère. Moi, quand je reviens a Londres, je prend le métro, je suis comme n’importe qui d’autre, ici. Et puis nous avons créé ce système de sécurité dans notre trio. Tous les trois nous nous empêchons d’avoir la grosse tête. Bien sur, ce que nous vivons est fantastique mais l’important, c’est de ne pas vraiment y croire. C’est bête, mais c’est le business. Dés qu’on se met à penser qu’on mérite cette célébrité, on perd la faim.
• Votre trio existe-t-il en dehors du travail ?
Oui, on va à des concerts ensemble, on sort ensemble. On est une famille. Dysfonctionnelle certes, parce qu’on mène de drôles de vie, mais une famille quand même. Nous sommes conscient de ce que nous avons réussi a accomplir ensemble : nous vivons cette folles histoire depuis 10ans.nous avons partagé les hauts et les bas, nous sommes tout simplement trois personnes qui s’aiment très fort. Même si cela fait aussi trois ego dans une petite bulle.
• Quel regard portez-vous sur l’industrie du disque aujourd’hui ?
Elle a énormément changé. Nous, nous avons eu de la chance de nous former une identité très fort très tôt. Et nous avons eu assez de succès pour qu’on laisse faire ce qu’on veut par la suite. Maintenant nous avons trouvé notre place, mais si nous étions le me^me groupe qu’il y a 10ans, essayant de commencer aujourd’hui ce serait cent fois plus difficile. En plus, si tu formes un nouveau groupe actuellement, la maison de disque veut 50% de ton live, 50%de tes t-shirts, 50% de ton premier né, 50% de ton internet. Je trouve que l’industrie du disque et l’industrie la plus arrogante du monde. Dans leur insolence suprême, les maisons de disques ont cru qu’elles pouvaient encore vendre des disques sans donner aux gens quelques choses de meilleur marché, pendant que les chefs se remplissent les poches. Ils ont vraiment pensé qu’ils pouvaient contrôler les lois de l’offre et de la demande. C’est avec des idées comme celle –ci qu’on arrive à la situation actuelle où il y a toute une génération de gens persuadés que la musique devrait être gratuite.
Du coup, je pense qu’on va retourné a une situation similaire a celle des années 80 et assister a une véritable renaissance de la belle indépendante. Les nouveaux groupes qui ne pourront pas signer avec des majors finiront par travailler avec des boites, et les jeunes achèterons des disques parce qu’ils sauront très bien que l’argent iront aux petits groupes.
Les jeunes ne sont pas débiles, ils savent lorsqu’ils achètent un disque, que la moitié des sous ne va pas à l’artiste. En Angleterre tu as déjà comme label Domino, en France tu as Pias. Je pense qu’il va avoir de plus en plus d’alternative indépendante de ce type, et que ces labels finiront par avoir le pouvoir, simplement parce qu’ils auront le meilleur groupe. Regardez Franz Ferdinand.
• En revanche, de l’extérieur, la carière de Placebo semble avoir été assez facile. Le succès est venu rapidement et dés lors n’a cessé de grandir…
Il n’y a rien de facile dans ce qu’on a fait ou vécu. C’est un préjugé que beaucoup de personnes ont. Mais ça n’est pas facile. En tant qu’artiste, on n’est pas là pour chercher l’inspiration dés le réveil, à « s’injecter », puis à se retourner dans le caniveau à composer de la poésie incroyable pour la lune ! C’est du très gros boulot. On a eu de la chance, c’est vrai. D’un autre coté nous avons commencé en pleine brit-pop, au moment ou Blur et Oasis, et nous n’avions strictement rien a voir avec ça. Nous n’étions pas influencé par les mêmes groupes, nous avions une identité totalement différente. Dés le début, nous avons composé des chansons très urgentes, et c’est sans doute ce qui a parlé au jeunes. Je ne peux pas trop expliqué ça. Si je connaissais la formule, je deviendrai peu être manager. Je suis encore étonné du succès de Placebo. Mais c’est peut être un étonnement que je prend soin de cultiver afin de ne pas devenir trop arrogant, afin de ne pas devenir Billy Corgan, l’ex-Smashing Pumpinks
• Dans l’immédiat, vous allez faire une pause ?
Oui. J’ai besoin de soleil et de plages. C’est pour ca que j’habite londres. Mais là, sérieusement, je pars vivre en Inde quelques mois. Je pense que ça n’aura aucune importance sur l’album parce qu’on l’a déjà écrit. En fait on pourrait entrer en studio demain, maison ne veut pas. Il est temps de vire un petit peu. En ce moment j’ai besoin d’aller dans un endroit le plus éloigné de la culture occidentale, quelque part ou je peux me raser le crâne et être quelqu’un d’autre. De toute manière, la vie que je vie en tourné, ce n’est pas non plus la réalité. Peut être que je passe mon temps à passer d’une bulle à une autre. Je fuis la réalité depuis que je suis adolescent. C’est cela qui ma poussé a faire de la musique, pour me créer un contexte différent, pouvoir m’échapper. Lorsque c’est devenu sérieux et que j’ai pu en vivre, cela ma donné une alternative concrète a la vie réelle. Et puis la musique, tout bêtement, c’est fun.
• Qu’est-ce qui est le plus fun dans Placebo ?
C’est un très bon concert où il y a l’alchimie avec le public, une sorte de magie collective. Un concert, c’est presque la drogue et le cul en un, tu donnes du plaisir a beaucoup de gens. Sinon, c’est se retrouver en studio, devenir un scientifique qui mélange des produits chimique pour voir ce que ça donne. C’est très cérébral, très studieux. Le reste , c’est fatiguant : les voyages , les interviews , se mettre sous microscope tout le temps, s’analyser soi-même, essayer d’être intelligent, avoir une opinion correcte sur tout… C’est stressant, et avec les années, c’est pire. A part politicien, je ne sais pas quel autre boulot existe où l’on doive en permanence s’auto analyser, prouver aux gens qu’ils se font une fausse idée de ta personne…
• Vous pourriez aussi décider de ne pas accorder trop d’importance aux propos….
J’aimerai bien mais on n’est pas encore Radiohead. Si jamais alors on a ce luxe alors peut être…
• Qu’est-ce que vous écoutez en ce moment ?
Le nouveau Death In Vegas est superbe. De toute façon je suis un grand fan de Krautrock. Autrement, je reviens tout juste de Paris, alors j’écoute les albums de M et Cali que je trouve tés bons. J’adore aussi un nouveau groupe français qui s’appelle Gomm. Sinon j’écoute TV On The Radio et puis de la musique classique.
• Quel souvenir gardez-vous de votre collaboration avec Virginie Despentes et Gaspar Noé pour l’adaptation et la vidéo de Protège-moi, qui fut finalement interdite d’antenne ?
Excellent ! Je connaissais déjà Virginie, nous avions des amis en commun. Dés qu’on a eu besoin de traduire quelque chose en français, on a pensé a elle. C’est une grande fan de musique, une écrivaine fantastique…Elle et garspar sont des gens qui repoussent sans cesse les limites de leur art, qui ne font pas de compromis. Dans Placebo, on ne peut pas toujours faire comme ça, du coup, notre collaboration nous a délivré un peu… C’était important de pouvoir être libres dans ce travail. Je suis choqué par toute cette censure autour des vidéos, c’est Hélène et les garçons ! Encore plus en Angleterre qu’en France.
• Est-ce coté subversif qui vous a également attiré dans le projet musical Trash Palace, du français Dimitri Tikovoï ?
Ca, c’était juste pour s’amuser ! Dimitri Tikovoï est mon pote. On a le même sens de l’humour, le porno nous fait rigoler. Ce qui est drôle c’est que les gens, les médias, tout le monde nous a pris très au sérieux. Du coup, c’était encore plus jubilatoire. Dans un autre registre, je viens aussi de travailler avec le Dj allemand Timo Maas.
• En dix ans, vous avez multiplié les collaborations prestigieuses. Qu’est-ce que cela vous apporte ?
La encore, c’est une chance incroyable que de pouvoir travailler avec des artistes qui m’ont inspiré – et qui continuent de m’inspirer. Avoir la voix de Jane Birkin et la mienne sur un meme morceau (Sur Smile, extrait du dernier album de Jane Birkin), c’est important…On va chanter avec The Cure a Wembley après demain, on devrait faire Without you I’m nothing ensemble. Quand tu te retrouve à chanter sur scène avec Franck black ou Bowie, tu as envie de dire au monde « hé hé…Fuck you ». Il y a sûrement des gens sur cette terre qui pensent que je suis un pauvre type, mais ces collaborations me font penser que je m’en sors pas trop mal. Et cette petite voix dans me tête qui me dit tout le temps :’’Tu es une merde, tu es un charlatan, tu es médiocre,… ‘’, Eh bien, lors des duos comme ceux*ci, elle a tendance à se faire un peu plus discrète.
• Que pensez-vous des investissements politique des groupes de musique ?
Les gens qui disent que la musique et la politique ne peuvent pas se mélanger devraient juste rentrer chez eux et regarder Dawson. Le simple fait de s’exprimer par l’art est politique. Tu montres une certaine vision du monde.
D’ici quelques heures, on devrait savoir qui va diriger le monde ces quatre prochaine années et on ne peut rien faire aujourd’hui – que ce soit de la musique ou autre chose – sans penser a ça. Même Frantz Ferdinand fait de la politique – un morceau comme Michael, avec tout ce qui se passe contre les gays en Angleterre, en ce moment est un morceau politique, même si c’est peut être pas prévu au début. Si tu veux pas de politique tu dois aller chercher très loin, et chercher le petit boys-band qui dit rien. Parce qu Madonna ; c’est politique. Même les destiny Child’s, putain, ce sont des femmes indépendantes, c’est politique.
• Vous aviez promis de ne jamais jouer à Wembley. Vous y serez à la fin de la semaine. Pourquoi ?
Je pourrais répondre par une phrase du genre »Y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis », mais non. La vérité c’est que moi-meme, a une époque ou j’étais plus snob qu’aujourd’hui, j’ai refuser d’aller voir mon groupe préféré –The Velvelt Underground- a Wembley parce que je n’aimais pas la salle, que le son y était abominable. Mais lors de notre tournés, nous avons jouer dans des salles ou le son était bien pire, et notre ingénieur du son – on l’appelle le « docteur » - a réussi a nous donner un son convenable. Du coup, on peut le faire. Et puis symboliquement c’est un passage important. Nous habitons à Londres. L’hebdo musical britannique NME pensait que nous serions morts il y a cinq ans. Nous allons faire Wembley.
• Pourquoi avoir décidé de sortir une compilation maintenant ?
Il n’y a pas de grand mystère, après presque dix ans de carière c’est ce que font les groupes qui sont encore là. Beaucoup de collègues qui ont commencé en meme temps que nous n’existent plus aujourd’hui. Les gens cherchent un véritable sens à cette compilation, mais il n’y en a pas. Ce n’est pas une question de contrat, parce que ça ne compte pas comme un album pour la maison de disque. Ce n’est pas une question d’idées parce qu’on a déjà écrit le nouvel album. Il s’agissait peut être simplement de nous donner un petit peu de temps pour faire autre chose. Cela faisait deux ans que nous sommes en tournée et nous avons besoin de faire une pause, de nous distancer un peu des choses.
• Qu’en est-il des deux nouveaux morceaux (Twenty years et I do) ?
Nous avons mis deux inédit sur la compilation pour satisfaire l’appétit vorace de nos fans. Nous avons essayé de nous imposer des règles à la Brian Eno. Les morceaux ne devaient pas faire plus de deux minutes trente et il ne devait pas avoir de guitares. D’abord, parce que nous ne l’avions jamais fait. Aussi, parce que les gens pensent que Placebo est un groupe de guitares et que nous n’aimons pas cette étiquettes. Avec le recul, je pense que twenty years est peut être un de nos plus grands morceaux. C’est notre titre le plus proche de With or without you de U2, la chanson ultime.
• Ces deux dernières années ont été très remplies. Comment vous sentez vous aujourd’hui ?
Crevés. Complètement crevés. Avec le succès du dernier album, nous n’avons pas arrêté de tourner. Nous avons vendus plus de 700 000 albums en France. C’est génial, mais on n’a pas encore battu Indochine, mon but n’a donc pas été atteint (rires). Ce sera pour le prochain album. C’est comme les Beatles et les Stones en France, moi et Nicolas, nous nous appelons pour nous assurer qu’on ne sort rien le même jour.
• Pourquoi n’avoir choisi que des singles pour cette compilation ?
Ce n’est pas une greatest hit, ce n’est pas un best-of, c’est une sorte de document historique, une rétrospective chronologique du groupe, à travers ses morceaux les plus accessibles. Choisir des singles, c’était une façon de présenter le répertoire ancien. Nous sommes conscients qu’il y a 40% des fans aujourd’hui qui sont arrivés au groupe a travers Sleeping with ghosts et plus particulièrement avec The bitter end. Nous le voyons a travers nos concert, ils ont 14-15ans…A l’époque du premier album ils regardaient encore la télé. Les ados n’ont pas beaucoup d’argents e s’ils ont envie d’écouter davantage placebo, ils peuvent pas forcement aller acheter les quatre albums.
• Comment gérez-vous cette nouvelle arrivée de jeunes fans ?
Il y aura toujours des gens pour critiquer le coté « jeune » du public…mais sincèrement, ça chauffe le cœur. Cela signifie que tu as encore une connexion avec la culture jeune, c’est important. D’une certaine manière, cela veut dire que tu es encore vital. Qu’il n’est pas l’heure d’arrêter, que tu as encore une âme fraiche. Malgres toutes ses belles choses que le succès nous a apportées, cela montre qu’on ne vit pas dans une tour d’ivoire, qu’on n’est pas devenus des vilaines rock stars isolée de tout .
• Lors des dix dernières années, avez-vous eu envie d’arrêter à un moment ?
Non jamais. Avant Placebo, j’ai passé deux ans et demi au chômage. Je sais ce que c’est de ne pas avoir de fric, pas d’amis, de se faire cracher dessus. Je n’ai pas du tout envi de retourner a ça, a cette solitude qui a formé le 1er album. Et puis je suis conscient qu’on est dans une situation incroyable. On est bénis : on s’expriment et les gens écoutent. C’est une position très enviable. Nous avions un rêve et nous continuons à le recréer d’une façon quotidienne. Nous avons énormément de chance, il faut toujours s’en souvenir. On n’a pas le droit de se plaindre.
• Mais, avec se succès toujours croissant, est –ce qu’il n’est pas tout de même de plus en plus difficile d’être enjoué ?
Non, pasque la célébrité est quelque chose de complètement ephémère. Moi, quand je reviens a Londres, je prend le métro, je suis comme n’importe qui d’autre, ici. Et puis nous avons créé ce système de sécurité dans notre trio. Tous les trois nous nous empêchons d’avoir la grosse tête. Bien sur, ce que nous vivons est fantastique mais l’important, c’est de ne pas vraiment y croire. C’est bête, mais c’est le business. Dés qu’on se met à penser qu’on mérite cette célébrité, on perd la faim.
• Votre trio existe-t-il en dehors du travail ?
Oui, on va à des concerts ensemble, on sort ensemble. On est une famille. Dysfonctionnelle certes, parce qu’on mène de drôles de vie, mais une famille quand même. Nous sommes conscient de ce que nous avons réussi a accomplir ensemble : nous vivons cette folles histoire depuis 10ans.nous avons partagé les hauts et les bas, nous sommes tout simplement trois personnes qui s’aiment très fort. Même si cela fait aussi trois ego dans une petite bulle.
• Quel regard portez-vous sur l’industrie du disque aujourd’hui ?
Elle a énormément changé. Nous, nous avons eu de la chance de nous former une identité très fort très tôt. Et nous avons eu assez de succès pour qu’on laisse faire ce qu’on veut par la suite. Maintenant nous avons trouvé notre place, mais si nous étions le me^me groupe qu’il y a 10ans, essayant de commencer aujourd’hui ce serait cent fois plus difficile. En plus, si tu formes un nouveau groupe actuellement, la maison de disque veut 50% de ton live, 50%de tes t-shirts, 50% de ton premier né, 50% de ton internet. Je trouve que l’industrie du disque et l’industrie la plus arrogante du monde. Dans leur insolence suprême, les maisons de disques ont cru qu’elles pouvaient encore vendre des disques sans donner aux gens quelques choses de meilleur marché, pendant que les chefs se remplissent les poches. Ils ont vraiment pensé qu’ils pouvaient contrôler les lois de l’offre et de la demande. C’est avec des idées comme celle –ci qu’on arrive à la situation actuelle où il y a toute une génération de gens persuadés que la musique devrait être gratuite.
Du coup, je pense qu’on va retourné a une situation similaire a celle des années 80 et assister a une véritable renaissance de la belle indépendante. Les nouveaux groupes qui ne pourront pas signer avec des majors finiront par travailler avec des boites, et les jeunes achèterons des disques parce qu’ils sauront très bien que l’argent iront aux petits groupes.
Les jeunes ne sont pas débiles, ils savent lorsqu’ils achètent un disque, que la moitié des sous ne va pas à l’artiste. En Angleterre tu as déjà comme label Domino, en France tu as Pias. Je pense qu’il va avoir de plus en plus d’alternative indépendante de ce type, et que ces labels finiront par avoir le pouvoir, simplement parce qu’ils auront le meilleur groupe. Regardez Franz Ferdinand.
• En revanche, de l’extérieur, la carière de Placebo semble avoir été assez facile. Le succès est venu rapidement et dés lors n’a cessé de grandir…
Il n’y a rien de facile dans ce qu’on a fait ou vécu. C’est un préjugé que beaucoup de personnes ont. Mais ça n’est pas facile. En tant qu’artiste, on n’est pas là pour chercher l’inspiration dés le réveil, à « s’injecter », puis à se retourner dans le caniveau à composer de la poésie incroyable pour la lune ! C’est du très gros boulot. On a eu de la chance, c’est vrai. D’un autre coté nous avons commencé en pleine brit-pop, au moment ou Blur et Oasis, et nous n’avions strictement rien a voir avec ça. Nous n’étions pas influencé par les mêmes groupes, nous avions une identité totalement différente. Dés le début, nous avons composé des chansons très urgentes, et c’est sans doute ce qui a parlé au jeunes. Je ne peux pas trop expliqué ça. Si je connaissais la formule, je deviendrai peu être manager. Je suis encore étonné du succès de Placebo. Mais c’est peut être un étonnement que je prend soin de cultiver afin de ne pas devenir trop arrogant, afin de ne pas devenir Billy Corgan, l’ex-Smashing Pumpinks
• Dans l’immédiat, vous allez faire une pause ?
Oui. J’ai besoin de soleil et de plages. C’est pour ca que j’habite londres. Mais là, sérieusement, je pars vivre en Inde quelques mois. Je pense que ça n’aura aucune importance sur l’album parce qu’on l’a déjà écrit. En fait on pourrait entrer en studio demain, maison ne veut pas. Il est temps de vire un petit peu. En ce moment j’ai besoin d’aller dans un endroit le plus éloigné de la culture occidentale, quelque part ou je peux me raser le crâne et être quelqu’un d’autre. De toute manière, la vie que je vie en tourné, ce n’est pas non plus la réalité. Peut être que je passe mon temps à passer d’une bulle à une autre. Je fuis la réalité depuis que je suis adolescent. C’est cela qui ma poussé a faire de la musique, pour me créer un contexte différent, pouvoir m’échapper. Lorsque c’est devenu sérieux et que j’ai pu en vivre, cela ma donné une alternative concrète a la vie réelle. Et puis la musique, tout bêtement, c’est fun.
• Qu’est-ce qui est le plus fun dans Placebo ?
C’est un très bon concert où il y a l’alchimie avec le public, une sorte de magie collective. Un concert, c’est presque la drogue et le cul en un, tu donnes du plaisir a beaucoup de gens. Sinon, c’est se retrouver en studio, devenir un scientifique qui mélange des produits chimique pour voir ce que ça donne. C’est très cérébral, très studieux. Le reste , c’est fatiguant : les voyages , les interviews , se mettre sous microscope tout le temps, s’analyser soi-même, essayer d’être intelligent, avoir une opinion correcte sur tout… C’est stressant, et avec les années, c’est pire. A part politicien, je ne sais pas quel autre boulot existe où l’on doive en permanence s’auto analyser, prouver aux gens qu’ils se font une fausse idée de ta personne…
• Vous pourriez aussi décider de ne pas accorder trop d’importance aux propos….
J’aimerai bien mais on n’est pas encore Radiohead. Si jamais alors on a ce luxe alors peut être…
• Qu’est-ce que vous écoutez en ce moment ?
Le nouveau Death In Vegas est superbe. De toute façon je suis un grand fan de Krautrock. Autrement, je reviens tout juste de Paris, alors j’écoute les albums de M et Cali que je trouve tés bons. J’adore aussi un nouveau groupe français qui s’appelle Gomm. Sinon j’écoute TV On The Radio et puis de la musique classique.
• Quel souvenir gardez-vous de votre collaboration avec Virginie Despentes et Gaspar Noé pour l’adaptation et la vidéo de Protège-moi, qui fut finalement interdite d’antenne ?
Excellent ! Je connaissais déjà Virginie, nous avions des amis en commun. Dés qu’on a eu besoin de traduire quelque chose en français, on a pensé a elle. C’est une grande fan de musique, une écrivaine fantastique…Elle et garspar sont des gens qui repoussent sans cesse les limites de leur art, qui ne font pas de compromis. Dans Placebo, on ne peut pas toujours faire comme ça, du coup, notre collaboration nous a délivré un peu… C’était important de pouvoir être libres dans ce travail. Je suis choqué par toute cette censure autour des vidéos, c’est Hélène et les garçons ! Encore plus en Angleterre qu’en France.
• Est-ce coté subversif qui vous a également attiré dans le projet musical Trash Palace, du français Dimitri Tikovoï ?
Ca, c’était juste pour s’amuser ! Dimitri Tikovoï est mon pote. On a le même sens de l’humour, le porno nous fait rigoler. Ce qui est drôle c’est que les gens, les médias, tout le monde nous a pris très au sérieux. Du coup, c’était encore plus jubilatoire. Dans un autre registre, je viens aussi de travailler avec le Dj allemand Timo Maas.
• En dix ans, vous avez multiplié les collaborations prestigieuses. Qu’est-ce que cela vous apporte ?
La encore, c’est une chance incroyable que de pouvoir travailler avec des artistes qui m’ont inspiré – et qui continuent de m’inspirer. Avoir la voix de Jane Birkin et la mienne sur un meme morceau (Sur Smile, extrait du dernier album de Jane Birkin), c’est important…On va chanter avec The Cure a Wembley après demain, on devrait faire Without you I’m nothing ensemble. Quand tu te retrouve à chanter sur scène avec Franck black ou Bowie, tu as envie de dire au monde « hé hé…Fuck you ». Il y a sûrement des gens sur cette terre qui pensent que je suis un pauvre type, mais ces collaborations me font penser que je m’en sors pas trop mal. Et cette petite voix dans me tête qui me dit tout le temps :’’Tu es une merde, tu es un charlatan, tu es médiocre,… ‘’, Eh bien, lors des duos comme ceux*ci, elle a tendance à se faire un peu plus discrète.
• Que pensez-vous des investissements politique des groupes de musique ?
Les gens qui disent que la musique et la politique ne peuvent pas se mélanger devraient juste rentrer chez eux et regarder Dawson. Le simple fait de s’exprimer par l’art est politique. Tu montres une certaine vision du monde.
D’ici quelques heures, on devrait savoir qui va diriger le monde ces quatre prochaine années et on ne peut rien faire aujourd’hui – que ce soit de la musique ou autre chose – sans penser a ça. Même Frantz Ferdinand fait de la politique – un morceau comme Michael, avec tout ce qui se passe contre les gays en Angleterre, en ce moment est un morceau politique, même si c’est peut être pas prévu au début. Si tu veux pas de politique tu dois aller chercher très loin, et chercher le petit boys-band qui dit rien. Parce qu Madonna ; c’est politique. Même les destiny Child’s, putain, ce sont des femmes indépendantes, c’est politique.
• Vous aviez promis de ne jamais jouer à Wembley. Vous y serez à la fin de la semaine. Pourquoi ?
Je pourrais répondre par une phrase du genre »Y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis », mais non. La vérité c’est que moi-meme, a une époque ou j’étais plus snob qu’aujourd’hui, j’ai refuser d’aller voir mon groupe préféré –The Velvelt Underground- a Wembley parce que je n’aimais pas la salle, que le son y était abominable. Mais lors de notre tournés, nous avons jouer dans des salles ou le son était bien pire, et notre ingénieur du son – on l’appelle le « docteur » - a réussi a nous donner un son convenable. Du coup, on peut le faire. Et puis symboliquement c’est un passage important. Nous habitons à Londres. L’hebdo musical britannique NME pensait que nous serions morts il y a cinq ans. Nous allons faire Wembley.