Elle (mai 2006) : Brian Molko, le meilleur des Placebo

Brian Molko, 33 ans, le chanteur de placebo, n’est pas une rock star ? C’est LA quintessence de la rock star. Mais une star en creux (et en bosses) plus qu’en caprices et en poudres aux yeux. On l’aime pour sa fragilité assumée, « traitée » pendant de longues années a coupe de drogues, d’alcool et d’antidépresseurs. Cure de choc qu’il a remplacée aujourd’hui par l’amour pour son fils Cody, 9 mois, et une psychothérapie. On l’aime aussi pour son intelligence et son sens de l’autodérision si rare chez  des personnages de cette stature (l’avant dernier album du group c’est vendu a 800 000 exemplaires en France et ils « font » Bercy le 2 octobre). On l’aime pour sa sincérité, qui conduit leur cinquième album (chez capitol), Meds (médicaments) –guitares saturées et voix amples-, tout droit vers l’émotion et la mélancolie. Quand on le rencontre, dans une loge deserte d’un studio photo, format de poche et visage outrageusement maquillé, on a l’impression de vivre pendant une heure a l’intérieur d’un film. Un documentaire en technicolor, qui raconterait la vie étrange et fascinante de Brian Molko, petit gars ordinaire du Luxembourg immigré a Londres et devenu super star internationale par la force de sa volonté. En doublé en français, langue qu’il maîtrise parfaitement.


Intérieur/jour. Flash-back. Les débuts

« Ma mère est écossaise et très religieuse. Mon père, américain et obsédé par les marchés financiers. Bien sur, je me sentait comme le mouton noir de cette famille aux aspirations très peu artistiques. Personnes ne croyait en moi d’ailleurs. Alors je me suis enfermé dans ma chambre et j’ai appris la guitare. Pourtant, au début, je voulais etre acteur. Je n’étais pas mauvais mais je me faisais jeter de tous les castings. Un type de petite taille avec l’accent américain à Londres, je ne pouvais pas aller loin! Etre dans un groupe est un truc beaucoup plus immédiat,  primaire. Tu branches ta guitares et hop tu y vas.»


Intérieur/jour. Plan-séquence. L’autodérision.


« Je suis un garçon étrange, arrogant, ambitieux, amsi aussi assez vulnérable.J’ai vraiment de graves problèmes d’estime de soi. Donc pas mal de contradiction. Ce qui fait que je garde toujours un certain recul vis-à-vis de l’adulation que mes fans peuvent me porter, je refuse d’y croire. Je sais que je suis bon dans ce que je fais, et que les gens m’aiment bien. Je ne me prends ni pour le meilleur, ni pour le pire du lot. Bon, ok, être populaire ne garantie pas la qualité artistique, sinon Obispo serai un génie. Mais, bref, si je commentais à me prendre pour une star, ce que mon frère appelle jouer au « petit con de rock star », je sombrerais corps et âme. Cela dit, il y a que mon frère qui a le droit de m’appeler comme ça… »


Intérieur/jour. Plan large. La scène.

« Chanter sur scène c’et une forme très tordue d’exhibitionnisme. Il faut vraiment se sentir très en grande insécurité pour quêter l’adulation des gens que je ne connaîtrai jamais et que je n’aimerais peu être jamais si je les rencontrais ! Et, si ça se trouve, qui ne m’aimeraient pas non plus, s’ils me connaissaient vraiment. Mais j’ai absolument besoin de ça pour me sentir vivant. Je suis a cran de lorsque je ne suis pas parti en tournée depuis longtemps. Sur scène, je ne triche pas, je me sens comme un strip-teaseur de l’émotion, un danseur exotique. Je laisse parler le coté flamboyant de ma personnalité. Comme la scène est l’équivalent d’une drogue, quand je fais un gros trip, comme Bercy, dès que je sors de scène la descente commence. C’est pour ça que la plupart des musiciens prennent des drogues ou boivent de l’alcool. Pour annihiler cette souffrance de la vertigineuse descente de leur ego »


Intérieur/jour. GROS PLAN. L’ANDROGYNIE.


« A mes débuts, on m’a mal compris. Porter une robe ou me maquiller ne faisait pas de moi un androgyne, juste un travesti. Je me trouve beaucoup plus androgyne sur les photos de ELLE. Même si je ne porte plus de robe. Quant au maquillage, c’est une façon de se sentir joli. Exactement comme une fille. C’est la seule façon que j’ai trouvée d’être vraiment moi-meme. Sinon je me cacherais. Si je devais me réincarner en femme, ce serai en Audrey Hepburn. La quintessence de la sophistication. Et je change souvent de coupe de cheveux, car je pense qu’il est important d’avoir toujours une coupe d’avance sur mes fans»


Intérieur/jour. PLAN AMERICAIN. LA CELEBRITE


« Pour moi, la célébrité n’a aucune valeur culturelle sauf si tu t’en sers pour sauver le monde, comme Bono ou Angelina Jolie. Obtenir une bonne table au restaurant ne fait pas de toi une personne meilleure. Et quand je rencontre des gens célèbres, je ne pense jamais à la relation qu’ils ont avec leur ego, seul le contact humain compte. David Bowie est quelqu’un qui parle beaucoup mais avec qui j’ai vraiment pu communiquer. A un moment je passais beaucoup de temps avec Robbie Williams, c’est un type adorable, le genre qui ne trompe pas sur la marchandise, même si sa musique me laisse froid. Récemment, j‘ai eu besoin d’anonymat, je suis parti en Inde, j’ai loué une petite maison sur la plage. Là-bas je n’étais plus Brian molko, mais Brian. Le Brian naïf et désespéré que je suis resté au fond. Au bout de trois mois, évidemment, ça  a recommencé à me démanger. Il a bien fallu que je remonte sur scène »


Intérieur/jour. ZOOM AVANT. L’AMOUR
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« Depuis que j’ai un bébé, j’ai compris ce qu’étaient l’amour inconditionnel, les sens des responsabilités, la dépendance, mais aussi la vrai joie. Quand il me sourit, vendre vingt millions d’albums, tout les numéro un n’est rien a coté! Depuis six ans je suis devenu quelqu’un qui protége farouchement sa vie privée. Avant, je racontais tout et n’importe quoi dans les interviews. Je me livrais trop. »


Intérieur/jour. RE-PLAN LARGE. LA VIE QUOTIDIENNE.

« Je collectionne les œuvres d’art. J’ai déjà un Warhol, un Miro, et ma prochaine acquisition sera un Basquiat. Il fat que j’en trouve un qui aille dans mon appartement et qui ne soit pas trop grand car les grands coûtent environ deux millions d’euros. Je ne suis pas assez riche. C’est ma seule extravagance : je n’ai pas le permis, donc je n’achète pas de voiture de luxe. Sinon j’adore cuisiner et je passe mon temps a ranger. Bien sur une femme de ménage passe une fois par semaine, j’ai horreur du désordre. J’ai un équilibre mental très fragile, et si mon environnement physique étais fouillis, je serai désemparé »



Intérieur/jour. TRAVELLING AVANT. L’AMBITION.

« Je veux progresser en tant qu’auteur compositeur. Lorsque je tombe sur d’anciens titres de Placebo, je me sens mal car j’ai l’impression de lire de la poésie d’ados. Je veux me débarrasser des gimmicks et des clichés qui encombraient certains tubes, comme «Commercial for Levi » qui ressemble a une liste de médicaments qu’on trouve dans une armoire a pharmacie. Les auteurs que j’admire, comme Leonard Cohen ou Davis Bowie utilise pas de gimmicks. Dans le nouvel album je me suis forcé à utiliser des mots de tous les jours, sans volonté de choquer. Et puis je veux que Placebo devienne le plus grand groupe du monde. Il faut viser la lune pour parvenir a mi-chemin. Quand nous aurons fait le stade de France, il sera toujours temps de frimer et en disant : « Oh non, finalement, j’aime que les petits clubs intimistes ».


Elle (mai 2006) : Brian Molko, le meilleur des Placebo
Type
Interview
Date de parution
Mai 2006
Source
Magazine Elle
Mise en ligne
5 juillet 2006
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