Black Market Music décortiqué
Black Market Music sort cette semaine, le troisième album de Placebo est brillant, tout en gardant son accroche immédiate, il permet au trio de sortir d'une formule qui pouvait lasser. Eye-liner au placard, vernis à ongle discret, très discret, mais toujours en noir, Brian Molko, leader de Placebo, reçoit Sofa, simplement.
On a entraperçu lors des derniers concerts de Placebo un 4° homme, coincé derrière des amplis, jouant basse et sampler?
Oui, mais le processus créatif reste l'oeuvre de trois personnes dans Placebo.. Aujourd'hui, notre musique est devenue plus sophistiquée, plus complexe avec notamment des textures, on n'est pas des pieuvres ! On ne peut pas tout jouer, il nous faut un extra pour le sampler ! C'est l'homme invisible, le « Quatrième Homme »?
Même dans l'écriture, ne te sens tu pas limité par la formule power trio ?
Il y a quelque chose de magique dans le chiffre 3. Historiquement, il y a Jimi Hendrix Experience, Husker Dü, PJ Harvey au début, Police… Il y a quelque chose de spécial avec le triangle équilatéral… C'est important de respecter ce triangle.
Sur Spite & Malice, c'est Justin Warfield, de One Inch Punch, rapper de Los Angeles, qui t'accompagne? Mais à la première écoute, on aurait pu penser que tu t'étais mis au hip hop?
Je ne suis pas un rapper ! Aucune concurrence avec Eminem, non merci ! Moi je ne sais pas rapper. On essaye tous mais pour rire, pour déconner quand on a trop bu ! Dans cette chanson, il y avait un grand trou, on avait la musique, le couplet mais pas le grand refrain dont on avait besoin. On se demandait ce qu'on allait faire. Moi je ne peux forcer les mots à sortir, j'aime quand ça vient naturellement : « When it flows out ». Et l'idée m'est venue : ça fait dix ans qu'on écoute Public Enemy, « Come on ! Let's do some rapping ». Et je connais le mec pour le faire : Justin. Même Justin Warfield porte du maquillage des fois : c'est pour ça qu'on nous l'a présenté ! Il est un des seuls rappeurs avec du maquillage ! On se comprend.
Pourquoi pas plus de hip hop alors ?
Parce que là ça serait devenu une « formule » ! Nous n'aimons pas la « formule ». Je serais surpris de retrouver du hip hop sur un autre album de Placebo ! Ca n'arrivera pas ! c'était du one shot.
Et le côté 80's de certaines chansons, Slave to the Wage, Special K, c'est du one shot aussi?
Special K, c'est du « punk Blondie » ! C'est du Blondie avec plus de saturation. On est des grands fans de Blondie.
Et la reprise de Robert Palmer, Johnny & Mary, qui est sur le maxi de Taste in Men :
Johnny & Mary c'est une histoire très très triste de gens qui sont ensemble mais qui regardent les murs, qui sont ensemble dans la solitude, c'est une relation qui n'est plus vraiment une relation… Ce n'est pas vraiment l'ambiance pub Renault… (la chanson originale avait servi de BO pour les pub du constructeur automobile dans les années 80 ndlr)
Honnêtement, tu ne cherches jamais à incarner un personnage ?
Non, peut être que c'est moi, c'est un des aspects de ma personnalité qui est exagéré un petit peu pour l'effet dramatique. Sur scène, c'est « moi ». Mais on n'est pas le même tous les jours…
Oui d'ailleurs je ne t'ai pas vu en jupe sur scène cet année.
Ah bon? Ah pourtant j'ai fait des festivals où j'ai mis des jupes : je suis encore un travelo !
Il y a des jours où tu te réveilles et tu as envie de mettre une robe, le lendemain c'est un pantalon. C'est comme pour le maquillage et le rasage, des jours t'as envie de te maquiller, d'autres tu ne peut pas souffrir de te raser, c'est totalement dépendant de l'humeur. C'est une question de liberté esthétique. Les femmes ont tellement plus de liberté sur le plan esthétique. Il est temps de retrouver cette liberté perdue ! Il faut entretenir une part de mystère. Le « freak » c'est moi, je suis ce « freak » dont tu parles, ça dépend juste de mon humeur !
Tu parles beaucoup de famille dans les textes de cet album: tu chantes notamment « I'm a product of a broken home »
C'est vrai, I'm a product of a broken home ! Il n'y a rien que j'aimerais changer en fait mais mon éducation a fait de moi ce que je suis aujourd'hui. Si les choses avaient été différentes, plus faciles, je n'aurais sans doute pas eu à me forger une identité si jeune. Lorsque les gens veulent faire de toi ceci ou cela, et que passé un certain moment tu as envie de dire « fuck you! I've got to be myself ».
Pourquoi est-ce que ça revient particulièrement dans cet album ?
Ce n'est pas vraiment de ma famille dont je parle, Black eyed parle d'un moment de ta vie où il faut que t'arrêtes de te plaindre d'être un raté, que tu as des problèmes avec tes parents, et où il faut prendre ses responsabilités : c'est ça devenir un adulte.
Et on est adulte à 27 ans, comme toi?
27, ouais… putain, presque 30 ! Je pensais pas y arriver un jour… (Brian Molko essuie son maquillage et endosse la fourrure d'une Brigitte Bardot du racisme, ndlr). Blue American, c'est 3'30 de dégoût de soi-même à l'américaine. Le type de la chanson est tellement bas, tellement dégoûté d'être humain , d'être un produit de l'espèce la plus destructrice de la planète et de pourrir tout ce qu'il touche : la guerre, la violence et la pourriture. Il sort de sa culture, de son éducation et des clichés dans lesquels il a grandit, de la responsabilité de son pays dans des institutions telles que le racisme et la violence de masse, dont il constate les effets aujourd'hui dans les émeutes à LA, ou dans le racisme des flics. Et c'est pareil en France, aux US, en Grand Bretagne. Et il reste à l'écart des petites combines, les combines et la psychiatrie, en Amérique… En fait, c'est le point le plus noir de l'album : dégoût de soi et désenchantement quant au genre humain. En gros, c'est ça l'idée…
27 yeah… almost 30, my god? I never thought I'd make it… (Brian Molko essuie son maquillage et endosse la fourrure d'une Brigitte Bardot du racisme, ndlr) Well, Blue american is 3'30 of self-disgust American style. The person in the song is at such a low point, just disgusted by the fact he is a human being, a human species, which is the most destructive on this planet, and everything he touches turns into garbage: war, violence and garbage. The person in the song is heading out his culture, his upbringing, his conscious history, the fact his country could be responsible for such institutions, mass racism and violence and he is still feeling the ripple effect of that today, in things like the LA riot, the institution mass racism in the police. You have it France as well, for fuck… sake, you have it in America you have it in Great Britain. And he's sitting out of fashionable self-help things, you know self-help and psychiatry in America… In fact it is the lowest and downest point of the album : it is self-disgust, disappointment of the human race. Basically this is what Blue american is about
[Compte tenu de la teneur hautement subversive de ce pamphlet dénonciateur (le pléonasme n'est pas de trop), nous avons volontairement retranscrit le discours dans sa langue originale pour ne pas noyer la force du propos dans une traduction. « Enfoncer des portes ouvertes » en anglais ça se dit comment ?]
On a entraperçu lors des derniers concerts de Placebo un 4° homme, coincé derrière des amplis, jouant basse et sampler?
Oui, mais le processus créatif reste l'oeuvre de trois personnes dans Placebo.. Aujourd'hui, notre musique est devenue plus sophistiquée, plus complexe avec notamment des textures, on n'est pas des pieuvres ! On ne peut pas tout jouer, il nous faut un extra pour le sampler ! C'est l'homme invisible, le « Quatrième Homme »?
Même dans l'écriture, ne te sens tu pas limité par la formule power trio ?
Il y a quelque chose de magique dans le chiffre 3. Historiquement, il y a Jimi Hendrix Experience, Husker Dü, PJ Harvey au début, Police… Il y a quelque chose de spécial avec le triangle équilatéral… C'est important de respecter ce triangle.
Sur Spite & Malice, c'est Justin Warfield, de One Inch Punch, rapper de Los Angeles, qui t'accompagne? Mais à la première écoute, on aurait pu penser que tu t'étais mis au hip hop?
Je ne suis pas un rapper ! Aucune concurrence avec Eminem, non merci ! Moi je ne sais pas rapper. On essaye tous mais pour rire, pour déconner quand on a trop bu ! Dans cette chanson, il y avait un grand trou, on avait la musique, le couplet mais pas le grand refrain dont on avait besoin. On se demandait ce qu'on allait faire. Moi je ne peux forcer les mots à sortir, j'aime quand ça vient naturellement : « When it flows out ». Et l'idée m'est venue : ça fait dix ans qu'on écoute Public Enemy, « Come on ! Let's do some rapping ». Et je connais le mec pour le faire : Justin. Même Justin Warfield porte du maquillage des fois : c'est pour ça qu'on nous l'a présenté ! Il est un des seuls rappeurs avec du maquillage ! On se comprend.
Pourquoi pas plus de hip hop alors ?
Parce que là ça serait devenu une « formule » ! Nous n'aimons pas la « formule ». Je serais surpris de retrouver du hip hop sur un autre album de Placebo ! Ca n'arrivera pas ! c'était du one shot.
Et le côté 80's de certaines chansons, Slave to the Wage, Special K, c'est du one shot aussi?
Special K, c'est du « punk Blondie » ! C'est du Blondie avec plus de saturation. On est des grands fans de Blondie.
Et la reprise de Robert Palmer, Johnny & Mary, qui est sur le maxi de Taste in Men :
Johnny & Mary c'est une histoire très très triste de gens qui sont ensemble mais qui regardent les murs, qui sont ensemble dans la solitude, c'est une relation qui n'est plus vraiment une relation… Ce n'est pas vraiment l'ambiance pub Renault… (la chanson originale avait servi de BO pour les pub du constructeur automobile dans les années 80 ndlr)
Honnêtement, tu ne cherches jamais à incarner un personnage ?
Non, peut être que c'est moi, c'est un des aspects de ma personnalité qui est exagéré un petit peu pour l'effet dramatique. Sur scène, c'est « moi ». Mais on n'est pas le même tous les jours…
Oui d'ailleurs je ne t'ai pas vu en jupe sur scène cet année.
Ah bon? Ah pourtant j'ai fait des festivals où j'ai mis des jupes : je suis encore un travelo !
Il y a des jours où tu te réveilles et tu as envie de mettre une robe, le lendemain c'est un pantalon. C'est comme pour le maquillage et le rasage, des jours t'as envie de te maquiller, d'autres tu ne peut pas souffrir de te raser, c'est totalement dépendant de l'humeur. C'est une question de liberté esthétique. Les femmes ont tellement plus de liberté sur le plan esthétique. Il est temps de retrouver cette liberté perdue ! Il faut entretenir une part de mystère. Le « freak » c'est moi, je suis ce « freak » dont tu parles, ça dépend juste de mon humeur !
Tu parles beaucoup de famille dans les textes de cet album: tu chantes notamment « I'm a product of a broken home »
C'est vrai, I'm a product of a broken home ! Il n'y a rien que j'aimerais changer en fait mais mon éducation a fait de moi ce que je suis aujourd'hui. Si les choses avaient été différentes, plus faciles, je n'aurais sans doute pas eu à me forger une identité si jeune. Lorsque les gens veulent faire de toi ceci ou cela, et que passé un certain moment tu as envie de dire « fuck you! I've got to be myself ».
Pourquoi est-ce que ça revient particulièrement dans cet album ?
Ce n'est pas vraiment de ma famille dont je parle, Black eyed parle d'un moment de ta vie où il faut que t'arrêtes de te plaindre d'être un raté, que tu as des problèmes avec tes parents, et où il faut prendre ses responsabilités : c'est ça devenir un adulte.
Et on est adulte à 27 ans, comme toi?
27, ouais… putain, presque 30 ! Je pensais pas y arriver un jour… (Brian Molko essuie son maquillage et endosse la fourrure d'une Brigitte Bardot du racisme, ndlr). Blue American, c'est 3'30 de dégoût de soi-même à l'américaine. Le type de la chanson est tellement bas, tellement dégoûté d'être humain , d'être un produit de l'espèce la plus destructrice de la planète et de pourrir tout ce qu'il touche : la guerre, la violence et la pourriture. Il sort de sa culture, de son éducation et des clichés dans lesquels il a grandit, de la responsabilité de son pays dans des institutions telles que le racisme et la violence de masse, dont il constate les effets aujourd'hui dans les émeutes à LA, ou dans le racisme des flics. Et c'est pareil en France, aux US, en Grand Bretagne. Et il reste à l'écart des petites combines, les combines et la psychiatrie, en Amérique… En fait, c'est le point le plus noir de l'album : dégoût de soi et désenchantement quant au genre humain. En gros, c'est ça l'idée…
27 yeah… almost 30, my god? I never thought I'd make it… (Brian Molko essuie son maquillage et endosse la fourrure d'une Brigitte Bardot du racisme, ndlr) Well, Blue american is 3'30 of self-disgust American style. The person in the song is at such a low point, just disgusted by the fact he is a human being, a human species, which is the most destructive on this planet, and everything he touches turns into garbage: war, violence and garbage. The person in the song is heading out his culture, his upbringing, his conscious history, the fact his country could be responsible for such institutions, mass racism and violence and he is still feeling the ripple effect of that today, in things like the LA riot, the institution mass racism in the police. You have it France as well, for fuck… sake, you have it in America you have it in Great Britain. And he's sitting out of fashionable self-help things, you know self-help and psychiatry in America… In fact it is the lowest and downest point of the album : it is self-disgust, disappointment of the human race. Basically this is what Blue american is about
[Compte tenu de la teneur hautement subversive de ce pamphlet dénonciateur (le pléonasme n'est pas de trop), nous avons volontairement retranscrit le discours dans sa langue originale pour ne pas noyer la force du propos dans une traduction. « Enfoncer des portes ouvertes » en anglais ça se dit comment ?]