Steve Hewitt dans le Batteur Magazine 174 (novembre 2004)

Plus de six millions d'albums vendus à travers le monde, Placebo fait un carton ! Mais le groupe a également acquis sa réputation sur scène grâce à des prestations aussi impeccables qu'énergiques. Rencontre avec Steve James Hewitt, l'efficace batteur du power trio pop rock.

Steve, comment as-tu commencé la batterie ?

Je crois que j'avais 11 ans, c'était lors de ma première année de High school, en Angleterre. Mes grands frères ont commencé à jouer de la guitare. Pour les accompagner, je me suis mis à la batterie. A l'école, je jouais sur une Premier Olympic vraiment très vieille. J'avais simplement des baguettes et une pédale de grosse caisse qui m'appartenait. De fil en aiguille, j'ai commencé à participer à différents orchestres.


Ton arrivée dans Placebo s'est faite dans quelles circonstances ?

Je suis professionnel depuis l'âge de 17 ans. Je jouais avec différents groupes : Breed, Boo Radleys, K Klass, je faisait pas mal de sessions. Quand je suis arrivé à Londres, Brian (Molko, chanteur-guitariste) a été la première personne que j'ai rencontrée. Il est venu me voir en concert. On jouait aussi parfois tous les deux, lui se mettait aux bongos ou aux congas.
On faisait des bouffes ensemble. Stefan (Olsdal, bassiste), qui est un ami d' enfance de Brian, a rejoint le groupe. Mais moi, je faisais partie d'un autre groupe, je ne pouvais pas les rejoindre à plein temps. Et Placebo n' était rien à ce moment-là. Personne ne les connaissait. De mon côté, il fallait bien que je gagne ma vie. Ils ont donc pris un autre batteur, Robert
Schulzberg, un bon technicien d'ailleurs. Mais Rob et Brian ne s'entendaient pas. Ils ont fait le premier album avec Robert, et six mois après, ils m'ont appelé. Je me suis dit : « merde », car je m'étais engagé avec Breed pour une tournée de douze semaines ! Mais j'ai finalement accepté cette proposition.


Tu sentais que ce groupe avait quelque chose de spécial ?

Oui, totalement. J'avais écouté le premier album et j'étais vraiment content pour Brian. En plus, c'était déjà un de mes meilleurs potes. Et avec Stefan, nous avons, tout de suite accroché. Nous avons répété un jour et demi et démarré une tournée dans la foulée. C'est comme ça que l'histoire a commencé. Il faut croire que nous étions faits pour nous retrouvé.


Dans un groupe comme celui-là, comment concevez-vous vos parties de batterie ?

J'essaye d'être le plus musical possible. Je ne me sens pas obligé de me caler sur la ligne de basse. J'écoute constamment la guitare et les voix, pour accentuer ou souligner ce que fait Brian. Mais je dois bien sûr assurer le blackbeat nécessaire à l'énergie du morceau. Cette formule à trois, du « power trio » me plaît beaucoup car j'ai pas mal d'espace pour m'exprimer.
Elle me donne énormément de liberté. Cela m'encourage à être plus créatif, à tenter des choses. J'essaye souvent d'étonner mes camarades. Et honnêtement, tu peux faire des breaks plus fournis qui ne fonctionneraient pas forcément avec quatre ou cinq musiciens. L'espace musical se répartit autrement. Et je prends vraiment mon pied.


En studio comme sur scène, tu utilises pas mal d'électronique ?

Oui, et j'adore ça. Nous avons intégré de l'électronique pour notre dernière tournée, donc mon kit ne cesse de s'agrandir : j'ai maintenant cinq pads en tout. Combiner électro et acoustique t'apporte de la liberté. En revanche, je ne mets jamais de click pendant tout un morceau et je déclenche rarement des séances à la main, je joue tout moi-même. Dans un trio, si tu
joues acoustique pendant tout le concert, ça manque parfois de variation, l' électronique me permet ça.


Comment compose Placebo ?

Tout est ouvert. Nous fonctionnons de façon totalement égalitaire. On écrit tous les paroles et les mélodies. On se retrouve pour répéter et on propose des choses : « Gling, gling, gling : qu'es-ce que tu penses de ça ? » Et on développe l'idée. En plus, avec le matériel moderne, tu peux essayer plein de trucs. En même temps, quand on compose, on a toujours le souci de se demander comment restituer ça en live ? En studio, chacun touche à différents instruments. Heureusement les deux autres se savent pas jouer de la batterie ! Mais moi, j'essaye des riffs de guitare ou des lignes de basse. Et ce qui me plaît beaucoup, c'est que nous tentons toujours de nous renouveler. Avec le groupe, nous avons vendu pas mal d'albums et nous
pourrions nous reposer sur ce succès, enregistrer des disques vite faits et prendre le pognon. Mais notre esprit est totalement différent. Il ne s'agit pas de musiciens de studio rassemblés pour une tournée, nous formons presque une famille. Nous nous voyons en dehors du boulot. Nous ne sortons rien dont nous ne sommes pas fiers.


Faire parti d'un groupe comme Placebo, c'est un aboutissement ?

Comme toute bonne chose, il ne faut pas en abuser, sinon tu finis par t'en dégoûter. Il est nécessaire de se reposer un peu, se couper de temps en temps. Mais, chaque matin quand je me réveille, je me dis que le rêve va s' arrêter. J'ai toujours voulu devenir batteur dans un groupe de rock. J'y suis, et les avantages sont énormes. A tous les niveaux. Tu travailles
beaucoup mais dans de super conditions. J'essaye de ne jamais l'oublier.


Comment définirait-tu ta culture musicale ?

J'essaye de le faire tous les jours même en tournée. Même si avec le groupe on met plus l'accent sur les répétitions du spectacle. Je suis gaucher et je trouvais que ma main gauche était plus raide. J'ai essayé de corriger cette position. En même temps, ce sont les mauvaises habitudes qui font le style et le son aussi. Chez moi, je ne regarde jamais la télé. Je me lève, je mets de la musique. A Londres, j'ai quelques batteries dans mon petit home studio. J'ai aussi une batterie électronique Roland qui permet de travailler la souplesse des articulations.


Comment juges-tu les batteurs d'aujourd'hui ?

Je trouve qu'il existe actuellement pas mal de techniciens incroyables. Par exemple Manu Katché, mais, lui, quand il joue, on n'a pas l'impression qu'il fait un effort. Il reste toujours hyper fluide. Il possède un style personnel mais, malgré ça, il me surprend à chaque fois. Parfois aussi, on tombe sur des batteurs qui n'ont pas d'âme, qui paraissaient vraiment froids. Quand on joue, il ne faut jamais oublier d'y mettre du cour. Voilà mon conseil (rires)


Connais-tu d'autres batteurs français ?

Je dois avouer qu'à part Manu Katché, je n'en connais pas. Mais j'apprècie pas mal de batteurs allemands, anglais ou américains, je suis très pote avec Steve Washington, un batteur anglais qui fait des séances. J'ai un autre pote qui joue avec Tracy Chapman.


As-tu des modèles ?

Sans hésiter John Bonham en numéro un. N'importe quel batteur de rock te répondra la même chose. Comment oublier Led Zeppelin ? Je suis aussi un grand fan de Vinnie Calaiuta. Pour moi, il représente la combinaison idéale entre le potentiel technique et l'âme, la créativité. Steward Copeland, demeure également un grand musicien qui a ouvert des horizons énormes à beaucoup de batteurs. Sans oublier Dave Grohl, avec Nirvana pour son énergie.


Quels sont les projets de Placebo ?

Nous allons terminer cette longue tournée par ce concert Wembley. Nous sortons un best Of intitulé « Once More with Feeling ». Il contient deux inédits. Ensuite, nous nous reposerons un peu. Avant de sortir un nouvel album courant 2005, et de repartir en tournée l'année suivante.

(Propos recueillis par Baptiste Banchet)
(Retranscription par Veronique pour PlaceboAlternative)


Steve Hewitt dans le Batteur Magazine 174 (novembre 2004)
Type
Interview
Date de parution
Non communiquée
Source
Batteur Magazine n°174 (novembre 2004)
Mise en ligne
7 avril 2005
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